Aline Poirier, Paris-Sorbonne Universités
Le 12 janvier 2017, André Bonjour, chartrain, professseur, et Xavier Terasa, musicien professionnel, tous deux membres de l‘Instrumentarium de Chartres, nous ont accueillis au musée de beaux arts de Chartres devant la vitrine d’exposition des instruments reconstitués à partir de l’iconographie de la cathédrale.
Ils nous ont présenté le projet historique et scientifique à l’origine de l‘Instrumentarium de Chartres. Celui-ci est un travail transversal entre luthiers ou facteurs, et interprètes professionnels, dans le but de restituer des instruments jouables à partir des représentations de la cathédrale. Un budget permet, lors de résidences annuelles de plusieurs jours, un travail approfondi et un véritable échange entre les différents acteurs. L’équipe organise des concerts pédagogiques, des visites cathédrale-musée, des conférences, des colloques, des stages de musique médiévale, réalise des projets avec les conservatoires et les établissements scolaires, participe à la formation des enseignants et des musiciens professionnels et propose des expositions. Son site internet permet la découverte des 312 instruments de la cathédrale. Actuellement, 42 instruments ont été reconstitués : c’est le laboratoire instrumental médiéval le plus complet d’Europe.
Des difficultés apparaissent cependant pour les luthiers et facteurs face aux modèles proposés par l’iconographie : même si les proportions des instruments sont assez précises (nombre de cordes, accord…), par exemple le rapport de taille avec l’instrumentiste varie d’une représentation à l’autre. Les raisons en sont parfois inconnues. La question du diapason est donc difficile à élucider. De plus, le travail des matériaux exige de faire appel à des spécialiste rares : fondeurs de cloches, fabricants de cordes en boyaux… Par ailleurs, pour retrouver des gestes oubliés, il est utile de faire appel à l’expérience de musiciens issus des musiques traditionnelles : le crochetage nécessaire au jeu de la vièle en huit, ou la tenue du psaltérion et du plectre. La plupart des questions ne trouvent pas de réponse immédiate. Le croisement d’iconographies entre plusieurs sites constitue à ce titre une aide considérable. Par exemple, à Londres dans la Westminster Abbey, on retrouve des instruments du XIIIe siècle similaires à ceux de Chartres.
Les spécialistes se trouvent ainsi face à des défis techniques et artistiques à relever. Un projet de salle dédiée spécifiquement aux instruments, derrière la cathédrale, est en cours de réalisation. Cela permettra de faire deux copies de chaque instrument, afin qu’ils puissent être joués plus fréquemment : en effet, les instruments qui ne sont pas joués régulièrement s’abîment. Tandis que les musiciens doivent se remettre en question pour retrouver des gestes nouveaux, les luthiers et facteurs prennent un risque en créant des instruments dont la technique est à réinventer. C’est un dialogue entre la recherche et la musique autour de ce site exceptionnel.