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French-American Bridge for Medieval Musical Iconography

Seminar on musical notation

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Séminaire sur « La notation musicale », de Professeur Nicolas MEEUS
Jeudi 5 janvier 2017, Université Paris-Sorbonne
Post: Florentin MOREL

Ayant eu lieu à l’Université Paris-Sorbonne (Centre Clignancourt) le 5 janvier 2017, le séminaire sur la notation musicale fut organisé par le professeur Nicolas Meeus. Rendez-vous de quatre heures en présence de nombreux musicologues, ce séminaire fut associé exceptionnellement aux séminaires des professeurs Frédéric Billiet et Katarina Livljanic. Cette séance s’est articulée en quatre grandes parties traitant chacune d’une facette historique de la notation musicale : tout d’abord, la notation musicale dans le monde de la Grèce antique, puis la notation musicale au Moyen-Age et à la Renaissance. Pour terminer, il y eut une présentation de la notation moderne du Plain-Chant.

I. La notation dans le monde antique

Dans un premier temps, nous avons assisté à la présentation des recherches de la chercheuse française Denise Jourdan-Hemmerdinger sur les notations d’un fragment de manuscrit grec. Nous pouvons remarquer la présence de notation à points, notée entre les lignes de texte. Nous pouvons également mettre en évidence des signes prosodiques d’accentuation. Grâce à cela, nous pouvons en déduire qu’il y avait une définition rythmique et nous pouvons également faire l’hypothèse d’une pratique musicale.
Durant l’examen de ce fragment de manuscrit, Denise Jourdan-Hemmerdinger s’est rendue compte de la présence de trous de vers s’apparentant à la notation musicale. Il fallut donc déterminer ce qui était de la notation musicale et ce qui relevait de l’usure du manuscrit.
Nous pouvons observer ici une transcription de la notation à points du papyrus Lefort, nous montrant de façon précise les différentes positions des points. Nous pouvons supposer que la position du point définirait la hauteur de la note. Durant cette présentation, Denise Jourdan-Hemmerdinger exposera le fait que la notation étudiée fonctionne par formule, par enchainements déterminés. Grâce au papyrus Lefort, des chercheurs ont pu déterminer 324 types de formules qu’il faut ensuite mettre en relation.
Une discussion s’est ensuite mise en place autour de la détermination de ces différentes formules, sur l’interprétation de cette notation à point et sur l’évaluation de sa précision quant à la détermination de la hauteur de la note chantée et de la détermination du rythme.

II. La notation dans le monde médiéval

Deuxième temps de ce séminaire, la présentation de la notation musicale au Moyen Age fut assurée par la professeure Katarina Livljanic (Université Paris-Sorbonne). Cet exposé s’articula en deux temps : le premier étant une présentation de la notation neumatique et le second étant l’exposition des travaux de recherches de deux étudiants.
Toute la présentation de K. Livljanic s’articula autour de la question suivante : Qu’est-ce que la notation apporte au chanteur ?
Au Xe siècle, nous pouvons remarquer, au fil des exemples donnés tels que le Viderunt Omnes du Graduel de Noël (Manuscrit de Saint Gall), que la notation musicale n’apporte pas toutes les informations nécessaires à l’interprétation vocale. Nous pouvons avoir à faire à une grande diversité d’interprétations de la même oeuvre, en particulier du point de vue de l’interprétation rythmique de la partition. Il faut encore un nombre important de clés d’interprétation afin de lire ses oeuvres. A cette époque, nous sommes encore dans la tradition de la transmission orale.

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Le manuscrit Ms. 159 de Montpellier, datant du XIe siècle, est l’une des premières sources connues actuellement constituées d’une notation neumatique et d’une notation alphabétique principalement destinée à l’enseignement du chant.
Suite à cela, l’utilisation d’une ligne invisible fera son apparition afin de noter plus précisément la position des notes et de définir des intervalles. C’est le passage de la notation adiastématique (absence d’indication des hauteurs) à la notation diastématique (présence d’indication des hauteurs). Cette évolution de la notation musicale aboutira au XIIe siècle à l’apparition de cette ligne, de façon visible, permettant de définir plus précisément les intervalles et permettant de donner plus d’informations au chanteur. Nous pouvons également remarquer l’évolution des notations avec la précision grandissante des ornements et de la précision des intervalles dans l’exemple du Viderunt Omnes du manuscrit 74 de Cologne, présenté lors de cette conférence.
Katarina Livljanic attira notre attention sur l’absence de la partie de Plain-Chant utilisée dans la version du Viderunt Omnes à trois voix conservé à Fleury sur Loire. Nous pouvons seulement remarquer la présence de la seconde voix et de la voix organale.
Pour finir, dans le Viderunt omnes de Pérotin (Ecole de Notre-Dame), œuvre exécutée à quatre voix, nous pouvons remarquer la présence de modes rythmiques afin d’organiser la polyphonie.

Suite à cette présentation, deux élèves de recherche en musicologie nous ont exposé leur travail de recherche.
Tout d’abord, Gérard Vidal nous présenta ses recherches sur un conduit de l’Ecole de Notre Dame de Paris. Le conduit est l’une des premières formes musicales où l’on compose l’intégralité de l’oeuvre, à la fois le texte et la musique. Son travail porte donc sur les références à la psalmodie dans cette pièce.
Dans un second temps, Boris Courrège nous présenta ses recherches sur un Missel de Paris conservé à la Bibliothèque nationale de France constitué des textes en écriture noire et possédant des passages en écriture rouge. Décrivant une procession pour la bénédiction des rameaux à l’église Sainte Geneviève, ce manuscrit décrit l’itinéraire emprunté par le cortège dans les rues du quartier latin à Paris. La question qui se pose ici est la suivante : Pourquoi utiliser un missel pour une procession ? Suite à cette présentation, une discussion s’engagea sur le travail futur de l’étudiant autour de la comparaison de cet ouvrage à d’autres écrits semblables de l’époque.

III. La notation musicale à la Renaissance

Dans un troisième temps, la professeure Alice Tacaille (Université Paris-Sorbonne) nous présenta les évolutions de la notation musicale dans la polyphonie entre le XIIIe et le XVe siècle.
Au XIIIe siècle, l’apparition de la notation rythmique permet de rendre indépendante chaque partie d’une polyphonie. A cette époque, nous pouvons remarquer l’absence de signe de mesure. Cette indépendance donnée à chaque partie influera sur la copie des œuvres par l’écriture en parties séparées des polyphonies. On reviendra plus tard à l’écriture sous forme de conducteur, c’est-à-dire en superposition de toutes les parties pour une meilleure vue d’ensemble. Le rythme sera ensuite déterminé par la valeur faciale de la note, précisant également sa durée.
Cette notation rythmique permit aux compositeurs de combiner les voix en polyphonie de façon de plus en plus complexe. Nous pouvons citer la mise en polyphonie de chansons préexistantes (Manuscrit de Montpellier), le rythme permettant à chaque chanson de suivre sa propre structure (couplet et refrain) indépendamment des autres. Ce système aura pour résultat un flot continu n’ayant pour cadence que la cadence finale.
La notation musicale est également très importante pour la compréhension de la forme. Pour certaines formes, la structure peut être déterminée visuellement par la mise en page et la notation. Nous pouvons voir cela dans le manuscrit Fr. 1104 (Colbert 2502) avec des rondeaux dont les vers sont soigneusement disposés. Nous pouvons également constater cela avec le rondeau d’Oxford où l’on distingue bien le refrain du couplet.
De plus, la notation permet également aux compositeurs quelques fantaisies telles que les canons de Guillaume Dufay dont l’interprétation n’est possible que par la résolution d’une énigme donnée. Nous pouvons voir cela dans le Manuscrit de Naples, recueil de six messes basées sur la chanson de l’Homme Armé mais ne mettant en évidence que des extraits de cette dernière au tenor dans les cinq premières messes. On ne trouvera la citation de l’intégralité de la chanson que dans la sixième et dernière messe.
Nous pouvons également citer l’œuvre d’Ockeghem : Ut Heremita solus. Cette pièce est basée sur des rébus permettant de mettre en place la partie de tenor. Imprimée en 1504 par Petrucci, cette pièce est commercialisée avec la résolution, cette dernière étant l’initiative de l’éditeur et ayant un intérêt purement commercial. En effet, sans cette résolution, la vente de cette œuvre aurait été beaucoup plus compliquée. Dans le Manuscrit Bourdonné, de provenance italienne, où figure une messe de l’Homme Armé (à 4 voix) de Josquin, nous pouvons mettre en évidence le soin avec lequel le copiste a écrit la partie de tenor avec et sans la résolution. Ce système nous donne l’illusion d’une partition à cinq voix. Nous pouvons donc nous poser la question suivante : A quelle utilisation était destiné ce genre de manuscrit ? Serait-ce pour la préservation du partimoine, la pratique du chant ou de la lecture ?
Pour conclure, Alice Tacaille soulèvera le fait que cette recherche d’énigme et de rébus ne facilitera pas l’évolution du langage musical vers la tonalité.

IV. La notation moderne du Plain-Chant

Durant la dernière partie de ce séminaire sur la notation musicale, Cécile Davy-Rigaux (Directrice de l’IReMus, CNRS) fit une présentation de l’évolution de la notation moderne du Plain-Chant, le but de cette notation étant d’éviter les portées à quatre lignes et les clefs inusitées dans ce répertoire. Nous pouvons remarquer que dans le Grove Dictionary, l’article sur le Plain-Chant mentionne la notation musicale mais il y a un manque significatif de connaissances, comme un blocage historiographique, face à la notation moderne. De plus, cette notation n’est pas plébiscitée par tous les spécialistes. Les spécialistes médiévistes préfèreront les versions d’origines alors que les spécialistes modernistes préfèreront les versions en notation moderne.
Comme l’indique Cécile Davy-Rigaux, la notation moderne a pour but de faire progresser l’interprétation de ce répertoire mais également de consolider les transcriptions et faciliter le catalogage de fonds spécifiques. Nous pouvons citer comme exemple Les chants de l’Abbaye Royale de Nostre Dame du Val de Grâce de 1660.
La « sémiologie grégorienne » s’articule autour de notions de philologie, étude des neumes, de notions de paléographie, étude des signes, et se distingue par l’étude de l’expression vocale signifiée par les neumes simples ou composés. Nous pouvons citer comme exemple d’analyse sémiologique l’ouvrage Correptio Cantus ayant pour but de réduire la complexité mélodique tout en restant sous le contrôle de l’Eglise et subissant les restrictions qu’elle impose. Ces réformes seront largement diffusées à travers l’Europe. Cécile Davy-Rigaux citera quelques exemples d’application dans les récitatifs des missels : le Missale romanum de Pie V et le Pontificale romanum de Clément VIII.
Nous pouvons également remarquer l’émergence de traités comme le traité Derictorium Chori de Guidetti écrit en 1582 et ayant pour but de fixer des conventions face à cette sémiologie grégorienne telles que l’introduction des valeurs de durées relatives. Nous avons ici une variété inédite de notations musicales.

Nous pouvons donc conclure que grâce à l’intervention de ces quatre chercheuses, nous avons pu apprécier l’évolution de la notation musicale de la Grèce antique à la notation musicale moderne en passant par les notations à points, adiastématique, diastématique et rythmique. Nous avons pu également remarquer que chaque notation a été mise en place pour des raisons pratiques et dans le but de faciliter la pratique et la lecture de la musique à travers les siècles et selon le profil du lecteur.

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